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2. Qu’est-ce qu’un projet commun ?
Avant de parler de projet commun, il est important de rappeler ce qu’est un projet à travers quelques indicateurs :
- le projet a un début et une fin et se structure en différentes phases : il faut que le début et la fin du projet soient explicites et identifiés comme tels pour les élèves. Il faut donc penser le lancement et la clôture du projet. Le projet commun se structure en différentes étapes amenant à la réalisation finale et autour des rencontres on-line et/ou de la rencontre physique du dispositif Tele-Tandem.
- Le projet porte sur un sujet, un thème précis autour duquel se greffe l’interaction commune des deux classes. Pour ce faire, les élèves sont non seulement dans l’étude d’un thème, mais dans l’action, dans le « faire ensemble » : ils travaillent à la réalisation d’une production concrète commune, quelque chose de nouveau et d’unique, né de choix négociés ensemble par les deux classes autour d’un thème, ancré dans les réalités respectives des élèves, quelque chose qui leur appartient constituant les bases d’un monde commun aux deux classes. Les résultats doivent être tangibles, visibles et ils doivent être montrés, comme le fruit du travail des deux classes (une fête planifiée et préparée ensemble, un repas, une représentation de cirque, un livre avec des personnages, un roman-photo interactif, etc.). La réalisation d’une production fait appel à plusieurs compétences et implique une transdisciplinarité, permettant ainsi à des élèves faibles en langue (ou moins intéressés) d’apporter leur compétence dans d’autres domaines ;
- L’implication des élèves à tous les stades de développement du projet : ils sont décideurs, organisateurs, acteurs. Elle garantit l’adhésion des élèves au projet et donc leur motivation et leur responsabilisation par rapport au projet, mais aussi par rapport à leurs apprentissages, indispensables à la réussite du projet tout en développant leur autonomie d’apprentissage. La part de liberté laissée aux élèves dans les choix, et donc dans les négociations avec la classe partenaire, doit être négociée entre les enseignants français et allemand en tenant compte des capacités linguistiques des élèves ;
- La réalisation du projet, dans la mesure où il s’agit d’une démarche pédagogique, entraîne une construction de savoirs et de savoir-faire (apprentissages langagiers et interculturels, techniques, thématiques, etc.) et le développement de stratégies d’apprentissage transférables, telles que la coopération, l’apprentissage mutuel et réciproque, l’entraide, la recherche de solutions, etc.
- Le projet se présente sous une double perspective :
- celle de l’enseignant qui articule ses objectifs et contenus d’apprentissage autour de la réalisation du projet, ce qui demande d’avoir anticipé les tâches à réaliser, d’avoir évalué la difficulté de la situation pour les élèves, d’avoir identifié des situations pour lesquelles un apprentissage en amont est nécessaire et d’avoir fait le parallèle entre situation-action et objectifs d’apprentissage,
- celle de l’élève où l’aboutissement du projet est l’objectif premier et pour lequel l’action prime sur l’apprentissage ce qui constitue pour beaucoup une source de motivation importante.
- Le projet représente un défi que doivent relever les élèves collectivement. Les enseignants doivent ajuster la difficulté du défi aux capacités des élèves ; il faut que la réalisation du projet soit possible mais qu’elle permette un certain nombre d’apprentissages identifiés par les enseignants et liés aux programmes scolaires respectifs. Un des rôles des enseignants est d’ajuster la taille du défi, un autre consiste à mettre en évidence et en valeur les apprentissages et les stratégies d’apprentissage développées au cours du projet ;
- L’évaluation du processus d’apprentissage : l’évaluation porte non seulement sur l’exactitude et la pertinence des résultats, mais également sur le processus d’apprentissage ; ce qui implique une approche constructive de la correction. Les progrès ne sont pas sanctionnés par le recensement des fautes par la négative - mais par la réussite du projet, par une valorisation de ce que le groupe a réussi à faire pour faire avancer le projet par la positive . La prise de conscience des apprentissages ne se fait plus par la sanction individuelle (faux / juste) ; les fautes sont considérées comme l’expression d’un processus d’apprentissage reposant sur la formulation, par les apprenants, d’hypothèses : les élèves doivent être encouragés à prendre des risques (quitte à faire des fautes) et à contribuer à une amélioration juste et constructive de leur performance mais également de celle des camarades (notamment en acceptant d’être corrigé, en enregistrant les corrections, en corrigeant le partenaire avec respect et empathie). Concrètement, les enseignants pourront aider les élèves à prendre conscience des connaissances mobilisées collectivement et à mettre en lumière les stratégies d’apprentissage développées ; cette étape est primordiale pour transformer le projet en une démarche pédagogique organisée.
- Le projet mène à une réalisation unique ; la réalisation du projet se fait dans un esprit d’aventure et d’innovation d’autant plus captivant pour les élèves qu’ils sont (co)décideurs et peuvent influer sur le développement du projet. Les élèves s’aventurent dans un espace langagier et culturel inconnu et ensemble ils créent un monde nouveau et commun à tous les élèves des deux classes. Le projet représente un défi, cependant les enseignants doivent veiller à ce que les élèves soient en mesure de le relever, en particulier s’ils ont peu de compétences langagières et techniques.
Pourquoi commun ?
Lorsqu’on envisage un échange avec une classe partenaire, c’est généralement pour connaître la réalité du pays voisin. Logiquement la tendance est de constituer la classe partenaire en champ d’étude et de chercher à établir des comparaisons entre leur fonctionnement, leurs us et coutumes et les nôtres. Une telle approche est, certes, très intéressante et permet de mieux connaître les similitudes, les différences et donc la frontière entre nos deux cultures, mais l’élève reste observateur, l’échange et l’interaction facultatifs. On pourrait également se demander si le voyage dans le pays étranger est nécessaire pour « apprendre » ces particularités culturelles quand elles sont aujourd’hui thématisées dans bien des manuels scolaires et souvent accessibles sur Internet.
C’est donc bien d’un échange au sens de « faire ensemble », d’une interaction concrète et directe entre les élèves, entre les classes qu’il s’agit et qui doit motiver le voyage chez le partenaire (ou l’accueil). Le projet commun crée la nécessité d’une production commune, résultat concret de l’interaction ; il joue le rôle de liant entre les classes.
- Le projet rassemble les deux classes et doit être conçu comme le fruit d’une étroite coopération entre les élèves des deux classes ; il ne s’agit pas d’une comparaison entre les fonctionnements respectifs mais d’une interaction, d’une négociation, de décisions et d’actions menant à un résultat commun fait des apports de la classe française et de la classe allemande, auquel s’identifient tous les élèves. Le projet ne doit être possible que grâce aux efforts conjugués des deux classes : négociation, coopération et coordination sont alors indispensables à la réalisation commune et rendent la communication entre les élèves des deux classes incontournable. Pour la réalisation du projet (qu’ils ont (co)décidé de réaliser) les élèves devront trouver des stratégies de communication et développer les compétences langagières et interculturelles nécessaires avec leurs partenaires adaptées à la situation et liées au contexte. Le groupe, l’entraide et la complémentarité des compétences rendent le défi plus facile à relever ;
- Qui dit coopération entre les élèves, dit étroite coopération entre les enseignants : bien au-delà de la coordination, le projet commun implique une concertation régulière, la mise au point commune de séquences de classes à distance (les séances Tele-Tandem) ou en présentiel, un échange de pratiques et d’approches. La confiance apportée au partenaire et à sa compétence pédagogique constitue le fondement d’une coopération réussie entre les deux enseignants.
- La réalisation concrète du projet, les résultats tangibles valorisent les efforts des élèves et les présentent comme acteurs d’une coopération internationale, comme citoyens européens. Cette expérience les fait sortir du cadre scolaire et les confronte avec la différence et la négociation interculturelle ; elle ouvre à un monde autre, à la diversité.
C’est la coopération des deux classes (élèves et enseignants), c'est-à-dire le « faire-ensemble » et le résultat innovant et unique de cette coopération qui valide la notion de projet, contrairement au travail sur un thème qui permet au plus un échange d’information ; plus concrètement ce qui différencie le projet commun d’un travail sur un thème peut être présenté comme suit :
Travail sur un thème
- le voyage chez les correspondants avec un programme de visites
- une comparaison France-Allemagne (basée sur des faits de civilisation)
- l’étude d’un fait de civilisation dans l’autre pays.
Un travail comparatif sur un thème
(les fêtes en France et Allemagne, les repas en France et en Allemagne, la mode en France et en Allemagne, etc. ).
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Projet commun
- une réalisation concrète qui s’organise dans le temps et qui a un début et une fin
- un produit nouveau qui combine des éléments de la culture des enfants allemands et français
- la coopération entre les deux classes
- la construction de savoirs et de savoir faire par la réalisation du projet
- le « faire ensemble »
- la valorisation du processus d’apprentissage
- l’aventure mesurée, organisée.
Exemples de projet : réalisation d’un récit (livre) à partir d’un personnage français et d’un allemand, réalisation d’un spectacle de cirque, créer et faire vivre un monde imaginaire (une planète, une école franco-allemande, un restaurant, une simulation globale), monter une vidéo, réaliser un défilé de mode, etc.
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