Du simple appariement scolaire au projet commun
Les enseignants invités à la première formation organisée dans le cadre du projet Tele-Tandem en 2002, tous expérimentés en matière déchange scolaire, ont présenté leurs expériences : il sagissait essentiellement de visites chez le partenaire avec découverte de son environnement qui sapprochaient de « visites touristiques scolaires ». Les exemples présentés montraient nettement quil y avait peu déchanges (spontanés ni organisés) entre les élèves, qui restaient en groupe « national ». Les enseignants étaient conscients du potentiel déchanges et dapprentissages que proposait cette rencontre, mais ne savaient pas comment lexploiter.
Le projet Tele-Tandem prévoit un dispositif pédagogique et didactique qui sinspire de la pédagogie de la rencontre et de la méthode Tandem, approches développées largement par lOFAJ dans le cadre des rencontres de jeunes. Ce dispositif rend la rencontre et léchange incontournables : les élèves travaillent ensemble à un projet commun qui passe par des phases dacquisition linguistique en tandem. Comme en témoignent les enseignants, le Tandem et plus encore le travail commun autour dun thème, oblige les élèves à travailler ensemble et à se rencontrer. Par ailleurs, grâce au travail à distance (Tele-Tandem), la rencontre nest plus un événement ponctuel lié au voyage, elle sinstalle dans la durée (6 semaines avant la rencontre, 1 semaine de rencontre, 2 semaines après) et dans la vie de la classe, inscrivant les apprentissages mutuels dans le cursus scolaire et ouvrant la classe vers lextérieur.
Sur les 12 partenariats sélectionnés pour lexpérimentation en 2003/2004, on relève deux types dapproches :
- Le travail autour dun thème commun : les deux classes travaillent parallèlement sur un même thème autour duquel vont se faire les apprentissages linguistiques. Les rencontres (à distance ou en présentiel) sont utilisées pour réinvestir le vocabulaire ou, lorsque la méthode Tandem est utilisée, pour élargir des champs lexicaux. La pédagogie mise en uvre reste centrée sur les apprentissages linguistiques et relativement proche de la pédagogie traditionnelle du cours de langue. Le travail en Tandem reproduit des situations scolaires dapprentissage prédéfinies par lenseignant qui fournit les structures dexercices ; lautonomie des élèves ainsi que leur influence sur le déroulement de la rencontre reste limitée.
- Une approche de type pédagogie de projet : les deux classes partenaires définissent un projet commun autour duquel la rencontre sorganise (par exemple, la préparation et la présentation dun spectacle de cirque, la simulation globale dune planète franco-allemande, des mini-projets). La difficulté et la complexité de la communication avec un partenaire dont on ne maîtrise pas la langue, combinée au désir de mener à bien le projet commun, rendent la coopération indispensable. Comme le groupe franco-allemand dispose des ressources linguistiques nécessaires à la réalisation du projet, les élèves doivent apprendre à partager et à exploiter les connaissances et compétences de chacun et sentraider pour développer le savoir commun linguistique et thématique constitutif du projet. Lapproche Tandem y contribue. Ce faisant, ils développent des stratégies collectives dapprentissage. Le projet est alors un catalyseur et stimule un apprentissage autonome (de la langue).
Pour les classes partenaires qui ont développé une pédagogie de type pédagogie de projet, les enseignants confirment que le projet commun devient lélément central qui motive les apprentissages :
- Il justifie et rend la communication nécessaire, rendant lacquisition linguistique indispensable, obligeant à trouver des solutions pour dépasser les difficultés techniques et linguistiques de la communication,
- Il permet de confronter des logiques différentes, entraînant un apprentissage interculturel,
- Il permet de construire un espace commun, un espace de rencontre, donnant aux élèves une expérience de citoyenneté européenne et/ou de transculturalité.
Il est intéressant de constater que les projets choisis laissent une part importante à laction (ateliers de cirque, préparation de gâteaux, etc.) et ne doivent pas être trop ambitieux. Rappelons ici que le niveau de langue des élèves (débutant) limite les possibilités déchanges verbaux et le « faire ensemble » représente un relais et un support à lacquisition linguistique.
Soulignons enfin que pour que le projet soit réellement un catalyseur des apprentissages, il faut quil soit motivant et intéressant pour les élèves qui doivent pouvoir sapproprier et sidentifier avec ce projet commun franco-allemand. Aussi, il est particulièrement important que les élèves aient une part dautonomie qui va au-delà du rôle délève-apprenant ou délève-enseignant conféré par la méthode Tandem et quils soient associés aux décisions et aux choix concernant le projet.
Le projet commun, parce quil est le fruit des choix négociés des élèves et de leurs efforts dapprentissage, lie les deux classes qui deviennent alors un nouveau groupe-classe franco-allemand, ou groupe ressource qui, en mutualisant les compétences et connaissances de chacun et en développant des stratégies dapprentissage mutuel autonome (et donc dapprentissage de la langue), peut mener à bien le projet.
Là où lautonomie dapprentissage a pu être stimulée, les élèves semblent capables de réinvestir les stratégies dapprentissage autonome suggérées par la méthode Tandem spontanément, y compris dans leurs jeux : un enseignant rapporte, par exemple, quune élève et sa partenaire continuent la « pratique Tandem » et se créer un vocabulaire bilingue commun pour jouer à la poupée.
Lapprentissage de la langue se fait par appropriation dune pratique de la langue, à partir des connaissances du partenaire : connaissances linguistiques (en L2, en langue maternelle ainsi quune conscience constrastive des deux langues), savoir-faire et savoir-être propres à la situation interculturelle. La langue du partenaire nest plus une finalité : elle est à la fois un outil indispensable à léchange, à la réalisation du projet et un objet dapprentissage dont les caractéristiques seront définies par les besoins de la rencontre et du projet. Le réel enjeu du dispositif réside alors dans les stratégies dapprentissage coopératif que les élèves seront capables de développer avec et sans laide des enseignants.
La logique du dispositif Tele-Tandem, tel quil est conçu par lOFAJ, se trouve confirmée par cette dernière approche qui permet dexploiter pleinement la situation de rencontre (et donc de communication authentique) et stimule le développement de stratégies dapprentissage durables : le projet commun défit les deux classes qui doivent sentraider pour la réalisation du projet. En même temps, lélaboration commune du projet motive la coopération et soude le groupe franco-allemand et amène les élèves à développer des stratégies collectives dapprentissage. Dans cette démarche, aux yeux des élèves, la réussite du projet commun franco-allemand est la finalité principale alors que pour les enseignants lenjeu réside dans limplication et les stratégies dapprentissage que les élèves auront pu et su développer.
Lapproche méthodologique du projet commun devra cependant être mieux explicitée pour les expérimentations futures.