Le partenariat en « Tele-Tandem » entre Margit et Andrea sinscrit dans le cadre du jumelage qui unit leurs deux villes, Fléac et Marktbreit depuis 20 ans. Les deux écoles organisent depuis quinze ans des échanges délèves, au rythme dune fois tous les deux ans.
Andrea est allemande, son cours dallemand (1ère langue étrangère) regroupe 10 élèves, tandis que le cours de français de Margit en compte 9 19). Margit enseigne le français dans des ateliers regroupant des élèves de classes CP à CM1 (1ère à 4e classes) 20) ; la première langue étrangère enseignée dans son école est langlais, à partir de 3e ou 4e classe (CE2 ou du CM1). Les élèves concernés par le projet étaient âgés de 10 à 11 ans des deux côtés. Une fois par mois, une réunion Tele-Tandem dune demi-heure était organisée, préparée par les deux enseignantes lors de concertations et de contacts réguliers. Une des difficultés rencontrées était le choix du moment de la rencontre : les élèves allemands ont même dû renoncer à leur récréation pour participer aux rencontres Tele-Tandem. Dès 2002 Andrea et Margit avaient participé à Evian à un stage de lOFAJ sur la méthode tandem, puis elles lont pour la première fois mise en pratique dans le cadre dun échange réalisé en mai/juin 2003. A cette occasion, elles ont observé que par rapport aux rencontres physiques réalisées jusqualors, leurs élèves avaient cette fois connu une expérience de lordre du « vivre ensemble » plutôt que du « vivre côte à côte » (« Miteinander statt Nebeneinander »). Cest ainsi quest né leur intérêt pour le projet Tele-Tandem.
Pendant lannée scolaire 2003/2004, quatre réunions Tele-Tandem ont été organisées entre Fléac et Marktbreit. Le thème de la première réunion (audio/vidéo) était intitulée « pâtisseries de Noël » (Weihnachtsbäckereien). Des informations culturelles et des recettes de biscuits y ont été échangées. Ces dernières ont dailleurs été mises en pratique dans les deux écoles par les élèves, en préparation des fêtes de Noël. La deuxième réunion (vidéo et mail) était placée sous le signe du carnaval. Les partenaires Tele-Tandem ont échangé du vocabulaire sur ce thème, et ont joué à deviner le déguisement de leurs camarades français et allemands (« qui est qui ? »). Les enfants français étaient ravis de découvrir cette tradition allemande, et ont visiblement apprécié la séance de déguisement. Le thème de la troisième rencontre Tele-Tandem (vidéo/téléphone) portait sur les différences culturelles entre les deux pays en matière dalimentation. Des informations ont été échangées sur les habitudes alimentaires des Français et des Allemands, dans la perspective dorganiser plus tard, pendant les cours, un petit-déjeuner à la manière du partenaire. Lors de la quatrième rencontre (vidéo/téléphone), les partenaires se sont de nouveau échangé une recette, respectivement allemande et française, celle dun plat principal cette fois ; cette recette a été de part et dautre « préparée » sous forme de sketches et présentée aux parents. Les élèves ont délibérément choisi des plats relativement complexes, car ils avaient envie den connaître le vocabulaire. Bien quil nait pas été possible, pour des raisons dorganisation, de clore le projet par une rencontre physique, un « fil conducteur » a toujours été visible dans ce travail de coopération, sous la forme de tâches concrètes et dobjectifs concrets. Les élèves savaient quil ny aurait pas de rencontre physique. Ils travaillaient au projet, non pas avec lintention de se rencontrer personnellement, mais avec lintention dapprendre. Participer au projet constituait une étape du processus global dapprentissage.
Les deux enseignantes ont rapporté « leffet magique » des techniques modernes sur les élèves (« on les voit, on les voit ! / « Cest vous
en vrai, Mme Hintermaier ? » 21)). Participer et travailler ensemble au projet Tele-Tandem a suscité beaucoup denthousiasme et de motivation même si « les phases de préparation en cours ont parfois paru un peu longues 22) », et si les élèves ont parfois été frustrés, lorsque la technique refusait de jouer le jeu. Ainsi, les élèves dAndrea noublieront sans doute jamais ce quest « de la confiture rouge » 23) (« rote Marmelade »). Les élèves, a poursuivi Andrea, qui ont de bonnes connaissances dallemand et qui sont habitués à un enseignement scolaire plutôt traditionnel avaient du mal à imaginer au départ quils pourraient apprendre quelque chose par la méthode Tele-Tandem, cest-à-dire « sans stylo ni cahier ». Ils navaient pas limpression de travailler et pourtant, en avançant dans le projet, ils se sont rendu compte avec étonnement que cette nouvelle méthode dapprentissage nétait pas moins efficace que lenseignement habituel. Les élèves dAndrea ont également été surpris de constater que leur enseignante leur parlait plus fréquemment en français. Mais il ne sagissait en loccurrence pour elle que de pouvoir mieux expliquer la particularité et lobjectif du projet Tele-Tandem, ainsi que le principe du travail en tandem.
Après les expériences quelle a vécues au cours de ces deux dernières années, Andrea a modifié sa vision de lenseignement des langues : « Je ne peux plus imaginer des cours sans un contact réel », dit-elle. Quant à Margit, elle décrit la façon quont eue ses élèves de sencourager et de se lancer sans appréhension dans la réalisation du projet avec leurs camarades français (« on va bien y arriver, avec leur aide ! »). Le projet Tele-Tandem et notamment la formation quelle a suivie dans ce cadre na pas non plus été sans incidence sur la pratique pédagogique de Margit : désormais, elle a beaucoup plus recours dans ses cours de français à lutilisation de supports audio authentiques. Parmi les effets positifs du travail en Tele-Tandem, il faut également souligner que les élèves qui avaient des difficultés dapprentissage (en raison de problèmes de prononciation, ou dun caractère trop introverti) se sont surpassés au contact de leurs partenaires 24). Cest surtout pour ces élèves-là quAndrea aurait souhaité un plus grand nombre de réunions Tele-Tandem.
« Il est intéressant dobserver que le Tele-Tandem peut aider les élèves à
prendre un nouveau départ dans lapprentissage dune langue. Cest
un instrument qui peut produire une restructuration dun groupe. »
(citation Albert Raasch)
« A lintérieur du programme Tele-Tandem,
la dimension « télé » est un outil. Derrière loutil, il y a des
personnes. Les enfants comprennent bien cela et utilisent
loutil intuitivement. » (citation Irmi Baumann)
Sur le plan institutionnel, le projet a eu des conséquences importantes. En fait, le poste occupé par Andrea à Fléac devait être attribué à une autre assistante dallemand (seulement pour 7 mois). Une action engagée par les parents sous la forme dune pétition a permis dobtenir quAndrea, qui enseigne lallemand dans cette école depuis 13 ans, conserve son poste pour deux ans encore, et puisse poursuivre le projet Tele-Tandem. Cependant, lenseignement de lallemand en primaire apparaît très menacé en Charente : il est question de le supprimer prochainement. Le fait quAndrea ait été autorisée à présenter le projet dans sa région est toutefois un aspect positif. Sous la pression de nombreux élèves de son ex-CM2 et de leurs parents, un collège voisin a ouvert pour lannée scolaire 2004/2004 une classe bilangue (de 25 élèves). Dans lécole de Margit, les inscriptions pour participer à léchange sont plus nombreuses en 2004/2005 que les années précédentes.