Bruno occupe une double fonction dans son école. Il est dune part professeur, et dautre part responsable de lorganisation des échanges dans le Bas-Rhin 53). Cest lors dune rencontre mensuelle organisée au niveau académique en juin 2003 quil a entendu parler du projet Tele-Tandem de lOFAJ. Il sest inscrit en même temps que sa collègue allemande, celle avec laquelle il organise habituellement des échanges. Le Tele-Tandem était pour lui une expérience « quil ne voulait en aucun cas manquer ». Jusquà ce moment, il savait peu de choses sur la méthode tandem et le projet Tele-Tandem, mais il sest vite rattrapé en participant aux séminaires de formation de lOFAJ.
Le partenariat entre sa classe de CE2 et une 3e classe allemande (environ 30 élèves de part et dautre) était axé sur le thème suivant : découvrir comment on vit de lautre côté du Rhin, et faire connaissance avec le partenaire. Lintention était de faire toucher du doigt aux enfants que « lautre côté » nétait pas seulement un lieu, lendroit par exemple où leurs parents vont travailler, mais quil sagissait aussi de découvrir là-bas une autre culture, et des enfants du même âge queux. Les thèmes de travail (voir 3.2) ont été choisis en commun par le tandem des enseignants. Il y a eu une rencontre physique à Bischwiller et une à Iffezheim. En avril 2004, les élèves ont fait connaissance grâce à un travail en tandem (sur la base de fiches préalablement élaborées) et ont confectionné ensemble une carte de Pâques. En juin, les élèves partenaires ont travaillé sur laménagement des habitations en France et en Allemagne, puis ont exercé leur créativité pour imaginer des transformations (par groupes de quatre). Bruno a observé quaprès la première rencontre, ses élèves parlaient plus de leurs partenaires que lors de précédents échanges linguistiques. Toutefois, il aurait été bon selon Bruno que chacun des grands groupes de travail mixtes ait pu être, lors des rencontres sur place, animé par un tandem denseignants.
Bien que lappariement entre les deux écoles existe déjà depuis longtemps 54), la communication est devenue plus difficile depuis un récent changement de direction dans lécole française. La nouvelle directrice de Bruno a bien donné son accord pour la poursuite du projet, mais en raison des nouvelles fonctions quelle avait à assumer, elle na pas été en mesure de soutenir Bruno dans cette entreprise, ni dassurer la représentation du projet vis-à-vis de la direction de lécole allemande. Ce problème, ajouté aux difficultés techniques rencontrées 55), na pas permis la tenue de réunions Tele-Tandem en temps réel, ce qui a eu pour conséquence que lors de la première rencontre, les élèves étaient très timorés et avaient besoin, en raison de leur manque dexpérience, de constants rappels aux principes et aux objectifs du travail en tandem. Linitiation aux compétences techniques nécessaires pour la réalisation des futurs contacts par Internet sest toutefois avérée utile, car les élèves de Bruno ont exprimé ainsi lobjectif du projet tel quils lavaient compris :
« Nous nallons pas simplement travailler avec lordinateur 56), nous allons
communiquer, raconter aux autres des choses sur nous. Cest pour cela
que nous avons besoin de lordinateur. »
(citation Bruno Strentz)
Bruno a cependant remarqué que la seule bonne volonté ne suffisait pas et que la motivation des élèves 57) devait également se communiquer aux collègues enseignants. Par exemple, il aurait bien aimé continuer à travailler sur le projet et à faire des tests pendant les vacances, mais linspection académique ny a pas été favorable. Et ses propres collègues lui ont demandé, dans la phase préparatoire, pourquoi il se donnait tout ce travail supplémentaire avec ce projet Tele-Tandem. Il a admis par ailleurs quil aurait sans doute dû prévoir des contacts par e-mail plus fréquents, mais que la gestion de 30 très jeunes élèves dans la salle informatique ne sétait pas avérée facile. Des activités concrètes ont tout de même pu être proposées pendant les rencontres physiques, car le matériel et les informations nécessaires avaient été échangés par la poste. Les élèves avaient conscience de participer à quelque chose de tout à fait nouveau, ce qui les a particulièrement motivés 58). Ils parlaient souvent de leurs correspondants allemands et ont acquis la conviction « que les autres langues sont aussi importantes ».
Bruno a souligné que les formations à la méthode Tandem de lOFAJ ont totalement bouleversé sa pratique professionnelle denseignant (« ça ma ouvert les yeux ». Il ne se passe pas un jour sans quil introduise un jeu dans le cours 59). Il a par ailleurs appris à tirer parti de manière ciblée des rencontres physiques pour lenseignement linguistique. Grâce au projet Tele-Tandem, selon Bruno, on redécouvre sa propre langue et on travaille sur lapprofondissement de connaissances parallèlement dans sa langue maternelle et dans la langue étrangère.
Après un an de fonctionnement du projet Tele-Tandem, les inspecteurs dallemand dAlsace ont décidé que tous les élèves apprenant lallemand dans la région devraient avoir des correspondants par Internet. Le travail en projet devrait donc théoriquement se poursuivre. Bruno pense que pour que le projet entre Bischwiller et Iffezheim continue et pour que de futurs participants au projet Tele-Tandem puissent bien coopérer, il est important de disposer dune bonne formation initiale et continue, de matériel technique, mais aussi du soutien de toute lécole et dune entente optimale entre les partenaires du tandem enseignant. Il espère pouvoir modifier le mode de fonctionnement dans son école, ce qui suppose au préalable que la coopération entre les collègues saméliore (tant au niveau mononational que binational, par léchange par exemple de matériel pédagogique, de chants, etc.)